La Coalition pour la diversité des expressions culturelles (CDEC) souligne l’importance de mettre au cœur de toute stratégie en matière d’IA et culture la protection des droits des créateurs et créatrices ainsi que des entreprises qui les accompagnent. Ces éléments sont indispensables non seulement pour soutenir la croissance de ce secteur économique essentiel, mais aussi pour favoriser une innovation durable. Cette protection est aussi cruciale pour préserver la richesse des voix et des récits qui nourrissent notre société, tout en assurant le développement d’un écosystème culturel dynamique et pérenne reposant sur la créativité humaine pour les générations à venir.

La CDEC, qui représente un large éventail de disciplines culturelles, propose dans ce document des recommandations reflétant un consensus général parmi l’ensemble tous ses membres. Nous soulignons néanmoins l’importance d’adopter aussi des approches spécifiques à chaque secteur, afin de mieux prendre en compte les défis et particularités de chaque industrie culturelle. Nous encourageons également une participation active des diverses communautés, y compris les peuples autochtones, les minorités linguistiques et d’autres groupes culturels et régionaux qui reflètent la riche diversité du pays.

Pour développer une stratégie canadienne efficace en matière d’IA et culture, il est essentiel d’assurer une représentation équilibrée d’expert(e)s du secteur culturel, d’entreprises en IA, de décisionnaires politiques et de toute autre partie prenante pertinente à chaque étape du processus. Cette approche collaborative contribuera à créer une stratégie répondant aux besoins spécifiques du secteur culturel tout en favorisant l’innovation et un développement économique durable.

La section qui suit résume les recommandations de la CDEC concernant l’intelligence artificielle générative dans le secteur culturel. Plusieurs de ces recommandations ont été présentées lors de consultations publiques tenues en 2024, notamment celles portant sur la Loi sur le droit d’auteur dans le contexte de l’IA générative et d’autres présentées dans le cadre du Projet de Loi C-27 – partie 3 sur l’intelligence artificielle et les données (AIDA). D’autres ont émergé en octobre 2024 lors des tables rondes sur la Stratégie canadienne de données culturelles pour l’IA, organisées par Patrimoine canadien en collaboration avec Mila.

RECOMMANDATIONS

  1. Législation et réglementation

    • Consentement : Au Canada, l’utilisation d’œuvres et de productions protégées par le droit d’auteur sans le consentement des ayants droit est actuellement interdite. La CDEC demande que la Loi sur le droit d’auteur ne soit pas modifiée pour permettre aux entreprises de développement technologique d’utiliser des œuvres, productions et interprétations protégées pour entraîner des systèmes d’IA générative sans autorisation ni compensation (fouille de textes et de données).
    • Transparence
      • Données d’entraînement : Instaurer des mesures légalement contraignantes exigeant la divulgation complète des données d’entraînement utilisées dans les systèmes d’IA, avec un niveau de détail dépassant de simples résumés.
      • Fonctionnement des systèmes d’IA : Assurer une transparence totale sur le fonctionnement et les décisions des systèmes d’IA générative, en offrant des informations claires sur leurs mécanismes de décisions.
      • Contenu généré par l’IA : Garantir que tout contenu généré par IA soit clairement identifié, afin que le public soit pleinement informé de la nature du contenu qu’il consomme.
    • Droit d’auteur et créativité humaine : Les produits issus de processus d’IA purement mécaniques, sans intervention d’expression humaine originale, ne sont pas des « œuvres » protégées par le droit d’auteur ni par les droits voisins et ne devraient pas le devenir. La CDEC insiste pour que la Loi sur le droit d’auteur ne soit pas modifiée afin de conférer de nouvelles protections à l’IA générative. Par ailleurs, la CDEC demande que les prestations des artistes interprètes demeurent pleinement protégées par la Loi sur le droit d’auteur, même lorsque le contenu interprété est généré par IA.
    • Accords commerciaux : Préserver les exceptions culturelles globales dans les traités internationaux. Lorsqu’une approche par chapitre est privilégiée plutôt qu’une exception globale pour la culture, les chapitres traitant de l’intelligence artificielle doivent impérativement être inclus.
  1. Solutions basées sur les mécanismes du marché

    • Modèles de licences flexibles : Favoriser le développement de divers modèles de licences, incluant les licences collectives, les licences volontaires, et, si approprié, les licences directes afin de proposer des options optimisées.
  1. Stimuler le développement économique par la création d’outils adaptés

Il est essentiel que le secteur culturel joue un rôle de premier plan dans la création de ces outils, et la CDEC est idéalement placée pour assumer cette responsabilité, sous réserve d’un soutien financier adéquat. Ces outils — qui pourraient être dévoilés lors de grands événements en 2025, comme Mondiacult 2025, qui se tiendra à Barcelone, en Espagne — ont le potentiel de positionner le Canada comme chef de file mondial. Leur développement doit être entamé à très court terme.

    • Développement d’un cadre d’impact de l’IA sur le secteur culturel et conduite d’une étude :  Nous proposons la mise en place d’un cadre d’évaluation formel pour analyser les effets de l’IA sur l’emploi, la création artistique, l’économie et la consommation culturelle. Ce cadre inclurait le développement d’indicateurs permettant un suivi continu de ces impacts, orientant ainsi l’élaboration de stratégies de préservation, d’adaptation et d’innovation afin de garantir que l’IA soutienne un écosystème culturel pérenne et prospère. Ce cadre pourrait rapidement permettre le développement des premières études d’impact au Canada.
    • Cadre éthique : Nous recommandons l’élaboration d’un cadre éthique complet, spécifiquement adapté à l’utilisation de l’IA dans le secteur culturel, pour orienter toutes les décisions stratégiques des acteurs publics et privés, renforcer le respect des droits humains, dont le droit d’auteur, et mettre en place les outils nécessaires à leur application. Ce cadre offrirait aux développeurs de systèmes d’IA un environnement législatif clair, favorisant ainsi le développement économique du secteur culturel tout en stimulant l’innovation.
  1. Éducation et sensibilisation

    • Formation continue en IA pour le secteur culturel : La formation continue est indispensable pour que les acteurs du secteur culturel suivent le rythme des avancées rapides en IA. Elle leur permettra de se tenir informés des réglementations, des mécanismes opérationnels, des processus de consentement et des modèles de rémunération, afin que le secteur culturel puisse s’adapter et prospérer dans un paysage technologique en constante évolution.  

    Commentaires de la CDEC à la suite de la table ronde organisée par Patrimoine canadien en partenariat avec le Mila en vue de l’élaboration d’une Stratégie canadienne de données culturelles pour l’IA

    Rapport
    CDEC
    1 novembre 2024