Le 8 juin 2023, le gouvernement du Canada a présenté dans la Gazette le Décret proposé pour la mise en œuvre de la Loi sur la radiodiffusion continue en ligne, lequel fait suite à l’adoption, le 27 avril dernier, de la Loi sur la diffusion continue en ligne. Une fois adopté, ce décret donnera « des instructions contraignantes et de haut niveau au CRTC dans la mise en œuvre de la Loi sur la diffusion continue en ligne» (nous soulignons). Notons que sa publication survient après que le CRTC ait lancé certaines consultations clés afin d’entamer l’élaboration d’un cadre réglementaire modernisé, qui s’appliquera dorénavant aux entreprises en ligne, canadiennes comme non-canadiennes. Le lancement rapide de ces consultations permet d’ores et déjà de prendre acte de certaines approches du CRTC et met en lumière l’importance du décret d’instructions.
La Loi sur la radiodiffusion est une loi à vocation culturelle, dont l’objectif principal est de protéger la souveraineté culturelle canadienne. La modernisation de la Loi était nécessaire afin de rétablir l’équilibre dans un écosystème qui était devenu gravement inéquitable au fil des deux dernières décennies. Cependant, comme la Coalition l’a souligné à plusieurs reprises au cours du processus législatif, une disposition se trouvant au cœur de la Politique canadienne de radiodiffusion maintient un double standard entre les entreprises canadiennes traditionnelles et les entreprises étrangères en ligne. Pour la CDEC, l’un des objectifs phares du décret d’instructions doit être de garantir un soutien maximal à une programmation canadienne de haute qualité, créée et produite en recourant à un maximum de ressources canadiennes créatrices.
Dans ses communications publiques, le gouvernement indique publier un décret « qui ouvre la voie à un cadre réglementaire équitable, souple et adaptable.» La CDEC salue certains éléments qui précisent effectivement les intentions du gouvernement en matière d’équité, par exemple les articles 4 et 9 (qui méritent néanmoins certaines précisions). Toutefois, d’autres sections, notamment celles traitant davantage des aspects liés à la souplesse et à l’adaptabilité du cadre, suscitent des préoccupations. Nous présentons conséquemment des commentaires en lien avec les articles 6, 8, 10, 11, 12 et 13.
En 2021, la Coalition avait soumis des commentaires en réaction à un premier projet de décret. Ce dernier avait littéralement été reçu par les membres de notre coalition comme un appel à déréglementer le système canadien de radiodiffusion. Si plusieurs éléments ont été améliorés dans cette nouvelle mouture, il nous paraît néanmoins essentiel de réitérer que le décret d’instructions ne doit absolument pas avoir pour effet d’affaiblir les objectifs énoncés dans la Politique canadienne de radiodiffusion. Il devrait aussi éviter de limiter la portée d’action du CRTC en guidant trop précisément son action réglementaire.
La CDEC a pour mission de promouvoir la Convention de 2005 pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. La présente intervention s’inscrit pleinement dans le cadre de cette mission. Rappelons que le Canada a été le premier pays à ratifier cette Convention, à laquelle s’est ajoutée par la suite les Directives opérationnelles sur la mise en œuvre de la Convention dans l’environnement numérique, qui sont venues affirmer sans équivoque la nécessité de protéger les expressions culturelles en ligne. On peut notamment y lire que « la nature spécifique des activités, biens et services culturels en tant que porteurs d’identité, de valeurs et de sens reste la même dans l’environnement numérique. Par conséquent, la reconnaissance de la double nature (culturelle et économique) des biens et services culturels vaut également pour les expressions culturelles dans l’environnement numérique ou celles produites au moyen d’outils numériques. »
La Loi sur la radiodiffusion modernisée s’inscrit dans ce cadre d’action et la CDEC applaudit cette action législative majeure. Toutefois, les commentaires que nous formulons ici visent à bonifier ou corriger certains éléments énoncés dans ce décret proposé afin d’éviter que certains éléments ne viennent affaiblir la portée des objectifs énoncés dans la Politique canadienne de radiodiffusion, voire soutenir une forme de déréglementation du système.