Avec la montée de l’intelligence artificielle, l’amitié historique entre la France et le Canada prend un nouvel élan autour du thème de l’innovation, mais il est essentiel que l’enthousiasme pour le progrès technologique ne vienne pas éclipser notre engagement commun pour la diversité des expressions culturelles.
Cet engagement est au cœur d’une amitié de longue date entre nos deux États, laquelle a notamment permis la création de la Convention de 2005 de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Le Canada a été le premier pays à la ratifier, suivi de peu par la France. Aujourd’hui, ce sont plus de 155 Parties qui l’ont signée, reconnaissant ainsi la double nature, économique et culturelle, des biens et services culturels.
Au Canada comme en France, cette convention a récemment servi de levier pour la mise en place de lois encadrant les activités des grandes multinationales de diffusion en continue, afin qu’elles contribuent au financement et à la mise en valeur des productions culturelles locales.
À l’ère de l’intelligence artificielle générative, elle se révèle encore plus pertinente que jamais.
Pour nous, coalitions canadiennes et françaises pour la diversité des expressions culturelles, qui rassemblons des centaines de milliers d’artistes et entreprises culturelles, cette nouvelle amitié France-Canada autour du thème de l’innovation est un appel à la vigilance.
En effet, au cours de la dernière année, dans les deux pays, le milieu culturel a dû se mobiliser vigoureusement pour veiller à ce que les ambitions nationales en matière d’innovation ne supplantent pas la protection des créateurs, créatrices et ayants droit. L’innovation et la création ont besoin l’une de l’autre pour grandir au bénéfice de tous.
En France, par le biais de l’adoption en avril dernier du Règlement européen sur l’intelligence artificielle, cette mobilisation a permis certaines avancées, notamment en matière de transparence.
Au Canada, les chantiers sont toujours en cours. Des consultations menées l’automne dernier par le gouvernement fédéral sur l’impact de l’IA générative sur la Loi sur le droit d’auteur ont révélé que les entreprises qui développent des systèmes d’IA demandent qu’une exception y soit introduite afin de leur permettre d’alimenter leurs systèmes en utilisant, sans autorisation ni rémunération, les œuvres et les productions des artistes et des entreprises culturelles. La Coalition canadienne s’y est vivement opposée.
Puis au cours de l’hiver, in extremis, à la toute fin de deux années de consultations entourant le Projet de loi C-27 sur l’intelligence artificielle et les données au cours desquelles le secteur culturel n’avait pas été entendu, la Coalition canadienne et certains de ses membres ont pu présenter des demandes de modification. Aujourd’hui, l’organisation demande au ministre François-Philippe Champagne de reprendre l’étude de ce projet de loi essentiel et d’y apporter des modifications afin, entre autres, que les entreprises qui développent des systèmes d’IA soient tenues de publier des registres suffisamment détaillés des œuvres et productions qu’elles utilisent pour alimenter ces derniers.
Le 12 septembre, grâce à la détermination de sa Coalition pour la diversité des expressions culturelles et au soutien financier du gouvernement du Québec, le milieu culturel canadien participera pour une seconde fois à ALL IN, conférence organisée par Scale AI en collaboration avec le MILA et le CEIMIA. Ce sera l’occasion de mettre en lumière le potentiel de l’IA pour les écosystèmes culturels, tout en soulignant les risques majeurs qu’elle présente et en proposant des solutions essentielles et concrètes pour les mitiger. Mais cela devrait aussi être le moment de rappeler que la France et le Canada sont depuis longtemps reconnus pour savoir innover dans le respect des créateurs et créatrices.
- Hélène Messier, coprésidente de la Coalition canadienne pour la diversité des expressions culturelles
- Bill Skolnik, coprésident de la Coalition canadienne pour la diversité des expressions culturelles
- Pascal Rogard, président de la Coalition française pour la diversité culturelle.